mars 15, 2022

Crime et bâtiment, l’assassin était architecte

Par Sandra Biaggi

L’affaire jugée ce 11 mars 2022 à Paris, en audience publique,  la Chambre nationale de discipline (CND) du Conseil national de l’Ordre des architectes (Cnoa) est, à bien des égards, exceptionnelle…

Cet architecte reconnu, ancien pensionnaire de l’Académie de France à Rome, longtemps enseignant et architecte-conseil de l’Etat, avait été condamné en 2016, en appel, à une peine de 22 ans de réclusion criminelle pour féminicide en 2011 sur la personne de son épouse, architecte également.

Sa peine ayant été progressivement aménagée, il a pu, au fil du temps, bénéficier d’un régime de détention dérogatoireet disposer ainsi d’un ordinateur, d’un téléphone dans sa cellule (à usage restreint), de loirs et de permissions de sortie. Ainsi a-t-il continué de « gérer » son agence à distance, de suivre ses chantiers collaborateurs interposésde voir sa famille, ainsi que de potentiels donneurs d’ordre. Ayant purgé aujourd’hui la moitié de sa peine, il comaissait en personne devant la CND, assisté de son avocat, aux côtés de son directeur d’agence. Pour le Conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France (Croaif), plaignant dans l’affaire, la question est simplele mis en cause peut-il continuer de porter le titre d’architecte, eu égard aux « garanties de moralité » exigées, notamment, la loi de 1977 sur l’architecture, aussi bien que le code de déontologie ? La faute personnelle est-elle susceptible de jeter l’opprobre sur la profession ? Si oui, justifie-t-elle alors d’une sanction disciplinaire telle que la radiation du tableau de l’Ordre en l’occurrence ?

[ndlrEt ne pourrait-on pas rajouter l’éternelle question de savoir si l’on doit séer l’homme de l’artiste ?]

Le jugement, mis en délibéré, sera rendu sous quinzaine.

©Jacques-Franck Degioanni dans Le Moniteur