Le potentiel des profils créatifs

Les profils créatifs ont un potentiel qui dépasse largement les secteurs ou les finalités auxquels ils sont bien souvent assignés.

L’homogénéité des profils promus aux responsabilités reproduit les schémas de pensée déjà connus. Et si les sociétés font des efforts pour distiller une culture de l’agilité et de l’innovation, elles peinent à considérer un angle mortles profils créatifs.
Réinventer l’offre, les modes de production, les processus, les organisations : voilà la nouvelle gymnastique des entreprises, ballottées dans un paysage en constante recomposition. Pourtant, la radicalité de ce besoin de penser autrement pour agir autrement vient buter sur la capacité des entreprises à intégrer une dimension essentiellela création.

L’homogénéité des profils promus aux responsabilités mène à reproduire les schémas de pensée et les systèmes déjà connus. Et si les efforts sont souvent conséquents pour distiller une culture de l’agilité et de l’innovation, l’entreprise peine à considérer un angle mortles profils créatifs.

Or, quand ils ne sont pas complètement absents de l’entreprise, ils sont bien souvent marginalisés et accèdent rarement à des responsabilités stratégiques. Les préjugés qui rendent improbable ce mariage prometteur sont aujourd’hui à reconsidérer.

Pédagogie projet

En France, de nombreuses écoles forment des profils créatifsécoles d’art, de design, de mode, d’architecture, de cinéma… Dans ces cursus dits « artistiques », on entraîne les élèves à embrasser des problématiques larges. Cette pédagogie projet, multipliant les sujets et les modalités créatives – individuelles, collectives, en tant de la matière ou en tant du concept – représente l’équivalent d’un entraînement sportif de haut niveau dans le domaine créatif.

Au-delà d’une aptitude créative, les professionnels issus de ces cursus ont développé une maîtrise du processus de création sa pratique répétéeapprendre à tir d’une page blanche, accepter de s’exposer et assumer des propositions originales. L’intuition devient alors un outil puissant pour tisser des liens originaux entre les différentes composantes d’un problème aux stades de l’émergence, de l’approfondissement comme de la mise en forme d’un « produit ».
En ce sens, les profils créatifs ont un potentiel qui dépasse largement les secteurs ou les finalités auxquels ils sont bien souvent assignés. Leur capacité à s’immerger rapidement dans des contextes changeants, à visualiser puis à donner forme à des solutions, en fera des profils de plus en plus recherchés les entreprises à l’avenir. L’enjeu sera alors, plutôt que de les cantonner dans des spécialités ou un « lab » idoine, de leur donner une place pour « innerver » la structure, à tous les niveaux, et en ticulier le stratégique afin d’imaginer et de matérialiser des visions d’entreprises désirables et durables.

Composer des postes hybrides

Certains des secteurs hautement performants en France, comme celui du luxe, ont montré la voie. Ils tirent déjà largement ti de ces expertises créatrices. Pour les autres, embarquer ces profils dans les dynamiques de performance est un i gagnant, à condition d’élargir le cadre pour leur faire une placeà commencer composer des postes hybrides, mêlant responsabilités opérationnelles et rôle clé pour la diffusion de nouvelles méthodes de travail, puis à développer une culture de l’expérimentation pour leur permettre de bousculer les pratiques et, jusqu’au niveau stratégique, en valorisant l’articulation des différentes logiques, gestionnaires comme créatives.

Côté ressources humaines, on s’approche d’une gestion de type « hauts potentiels »prise en compte de la motivation individuelle combinée à de fréquents changements de responsabilités, en veillant à l’activation de collectifs complémentaires. Le soutien au management, confronté à une plus forte exigence et à une approche moins orthodoxe de la productivité, est également déterminant.

Ces profils répondront-ils à l’appel ? Nombreux sont ceux qui aspirent à jouer un rôle de poids dans la transformation de la société. L’appréhension d’une culture économique et financière et la capacité à s’inscrire dans les dynamiques collectives deviennent alors des atouts incontournables dans le book de leurs compétences.

Marine Rouit-Leduc et Christophe Collin sont membres des Company Doctors, réseau de consultants en entreprise.